En 2000, j’ai 20 ans, je suis étudiante Erasmus à Berlin, ma vie est fantastique.
A l’été, embarquée par les fumigations d’une herbe magistrale, secouée par un sniff inattendu, je laisse le délire prendre les pleins pouvoirs sur ma personne, et me voilà Messie. Ma mission : répandre l’anarchie sur terre de manière douce et non-violente.
Ceci m’occupe les dix années qui suivent. Dix années jalonnées par les hospitalisations, le médoc, les boulots agricoles, les contre-sommets, dix années peuplées de squatteureuses, de compagnons en folie, d’inconnu.es au bataillon de la dernière chance, dix années de voix, de sexe, d’oeil-caméra, de politique, de cerveau-émetteur, de vadrouilles, dix années à replonger régulièrement dans l’extase délirante pour mieux fuir l’air du commun.
Puis je me pose dans une grande ville, j’y rencontre de très belles personnes, et j’ai trop à perdre pour fuir encore. Alors je construis, avec d’autres, une dynamique d’émancipation joyeuse et bordélique: projections, débats, infokiosque, théâtre de l’opprimé.e, groupes de soutien, ateliers, radio, traductions, écriture, tout est prétexte pour mettre en partage nos vécus et bâtir des solidarités par-dessus.
Plus tard je pars à la campagne, et mon amoureux démarre un film sur ses tocs, alors je me dis: « Pourquoi pas Barge ? »
Pendant mes années délirantes, je n’ai pas cessé d’écrire un journal. J’y ai jeté la fougue, les doutes, les aventures, les poèmes, les dessins divinatoires et les slogans approximatifs. Avec Barge, j’ai voulu donner à voir et à ressentir cette matière brute, pour embarquer le lecteur dans mon épopée avec le moins de filtres possibles.
Il m’a semblé important toutefois d’apporter des contrepoints, des contre-feux, en citant des lettres de proches, mais aussi des pages de mon dossier médical, parce que ma folie a eu ses témoins et ses interprètes, et la psychiatrie ses contremaîtres.
Enfin, il a été nécessaire d’écrire certains passages depuis le présent, pour donner des éléments de contexte, combler les vides des carnets, expliciter les brumes.
Au final, Barge, c’est un livre de 204 pages, d’un joli format de 16cm x 22cm, en noir et blanc, avec pleins de photos et d’illustrations d’époque. D’abord auto-édité (à 3500 exemplaires, mazette!), il a pu trouver en janvier 2024 une place au chaud dans le catalogue des Éditions du Chien Rouge, qui se chargent désormais de le diffuser en librairie. Vous pouvez néanmoins toujours l’obtenir directement sur le site.
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barge (at) riseup.net